
Il est une fois: Le cinéaste qui n’a pas peur de la prison
Frédérick Lavoie, journaliste et auteur, aime fusionner journalisme et littérature. Laisse-le te raconter un véritable récit à la manière d’un conte. Parfois, la réalité surpasse l'imaginaire!
Il est une fois à notre époque un cinéaste prêt à risquer sa liberté pour tourner des films.
Jafar a grandi dans un quartier pauvre de Téhéran, la capitale de l’Iran, avec ses parents, ses 4 sœurs et ses 2 frères.

Un jour, quand il avait 12 ans, des cinéastes amateurs lui ont demandé de jouer un rôle dans leur petit film. Jafar a adoré son expérience. Mais il s’est surtout découvert une passion: le cinéma!
À partir de ce moment, il a voulu voir le plus de films possible. Il s’est mis à travailler après l’école et presque tout l’argent qu’il gagnait servait à payer ses billets de cinéma.
Jafar avait bien aimé être acteur, être devant la caméra. Mais ce qu’il désirait encore plus, c’était un jour se retrouver derrière la caméra, pour imaginer lui-même les histoires qui seraient filmées.
Dans sa ville, il existait justement une école très particulière, où les enfants et les adolescents pouvaient apprendre le cinéma avec de vrais professionnels. C’est là que Jafar a appris à manier une caméra et une perche pour capter le son. Il a aussi pu y tourner ses premiers petits films.
Quand il a eu 20 ans, l’Iran est entré en guerre avec son voisin, l’Irak. Comme les autres jeunes hommes de son âge, Jafar a été obligé de devenir soldat. Mais plutôt que de se rendre sur les champs de bataille avec un fusil, il y est allé… avec une caméra! On lui a demandé de réaliser un film documentaire pour raconter au reste de la population la réalité de la guerre.
Revenu de la guerre, Jafar a poursuivi ses études en cinéma. Il est ensuite devenu assistant de l’un des plus grands cinéastes du pays.
Puis, Jafar a enfin pu réaliser son premier grand film, qui racontait l’histoire d’une petite fille qui achalait sa mère pour qu’elle lui achète un poisson rouge.

Son premier film s’appelle Le ballon blanc.
Succès immédiat! Jafar a reçu de grands prix à l’étranger, qui lui ont permis de continuer à réaliser d’autres films.
Mais quelques années plus tard, Jafar a commencé à avoir des ennuis avec les autorités de son pays. Les chefs religieux au pouvoir n’aimaient pas les histoires que racontait Jafar dans ses films. Car même si ces histoires étaient inventées, elles étaient très proches de la réalité. Et les chefs religieux ne voulaient pas que tout le monde voie cette réalité.
Dans un de ses films, par exemple, Jafar raconte l’histoire d’un groupe de jeunes filles qui se déguisent en hommes pour assister à un match de soccer, car la loi religieuse leur interdit de se mêler aux hommes.
Un jour, Jafar a été arrêté et jeté en prison. Les autorités l’accusaient de répandre une image négative du pays. Il a été condamné à ne plus pouvoir sortir de chez lui durant plusieurs années… et à ne plus pouvoir réaliser de films durant 20 ans!!!
Mais Jafar n’a pas eu peur. Avec un téléphone et une mauvaise caméra, il a tourné un film à l’intérieur de sa maison. Puis, il a transféré son film sur une clé USB, qu’il a cachée dans un gâteau, puis envoyée dans un autre pays pour que son œuvre soit diffusée!
Encore une fois, ce film a eu un grand succès… en plus de mettre en colère les autorités de son pays!
Le titre de ce film? Ceci n’est pas un film!!!
Depuis, Jafar continue de vivre sa passion. En fait, les interdictions que lui ont imposées les chefs religieux sont devenues l’une de ses principales sources d’inspiration.
Récemment, Jafar a de nouveau passé 7 mois en prison. Quand il en est sorti, il s’est vite remis au travail… pour faire un film à partir des histoires qu’il avait entendues derrière les barreaux!
Sans autorisation, Jafar et son équipe ont dû faire preuve d’ingéniosité afin d’échapper aux autorités durant le tournage. C’est pourquoi une bonne partie des scènes se déroulaient dans des voitures en mouvement! Quand les policiers sont finalement venus les embêter, le film était déjà presque terminé.
Et ce nouveau film vient de remporter l’un des plus grands prix du cinéma de la planète!

Cette histoire est bien vraie! Jafar Panahi est un cinéaste iranien de 64 ans. En mai, il a remporté la Palme d’or du Festival de Cannes, en France, pour son dernier film, intitulé Un simple accident. Malgré les risques d’être de nouveau emprisonné, Jafar a choisi de continuer à vivre en Iran. Car il ne peut s’imaginer réaliser des films ailleurs que dans son pays natal.
Selon toi, pourquoi certaines personnes sont prêtes à prendre de grands risques pour défendre leur passion ou leurs idées?
Sources: Agence France-Presse, Radio Liberty, Bomb, Film International, Film Comment.